comprendre la mort
7 français sur 10 meurt en institution. Entre la dépersonnalisation de la mort et le tabou qui entoure ce monde et ses travailleurs, la mort reste un lieu de silence. Il y a pourtant un réel besoin de libérer la parole, que ce soit pour ceux qui cherchent à la vivre plus sainement ou pour soulever des questions importantes
Nos corps sont aujourd’hui des restes toxiques qui ne se réintègrent plus dans les cycles de la transformation. Nos corps ne se décomposent plus. Au-delà des problèmes concrets engendrés par cette situation comme le manque de place et la pollution des sols, des questions se posent sur notre espèce et notre rapport à la vie
En France, la demande pour de nouveaux enterrement écologiques est de plus en plus forte. Un retour à la terre est envisagé au travers de plusieurs processus qui cherchent à se répandre. Je vais donc me pencher sur l’inhumation écologique, mettant en avant la magie de la métamorphose et notre réinscription dans le cycle
ritualiser la mort
Le rituel funéraire par son universalité est transversal. Des éléments – l’eau et la lumière – et rites sont communs. La cérémonie funéraire opère un dézoom progressif grâce à la prière qui rythme la cérémonie et appelle à la contemplation
La prière n’étant pas à l’image du rituel agnostique, c’est l’architecture avec ses fortes dimensions sensorielles qui va rythmer le nouveau rituel et faire office de prière
narrer le rituel
Je descends de ma voiture. Le vent fouette mon visage, l’atmosphère est humide. Je m’enfonce dans le bois, au rythme des arbres le long du chemin. Le paysage se transforme, m’encadre. Je suis doucement amené aux funérailles avant d’y plonger.
Le sol est différent, plus meuble. C‘est de la terre. J’y enfonce mon pied en découvrant le défunt, posé sur un canal d’eau, le visage découvert. Ses proches m’accueillent, je baisse la tête en signe de respect. Ici, le vent chante et la lumière danse. Je m’approche alors de lui pour y déposer mon souvenir.
Sa mort: difficile apparemment, son humeur combative n’a pas épargné la grande faucheuse. On sent les sourires malgré les yeux humides, face à ce trait de caractère que toute l’assemblée connaissait en lui. Sa fille commence alors un discours plus sensible sur sa vie, un discours écrit à plusieurs mains.
Nous commençons alors à glisser le corps sur le canal, marchant au rythme des clapotis. Le vent chante toujours. Je ne pense à rien, mon esprit transporté par la cadence de la marche, lente et régulière, mes pas s’enfonçant dans la terre. Soudain, le bruit de mon pied dans l’eau me sort de ma torpeur.
L’eau mouille subtilement mes chaussures. Le maître de cérémonie prend alors la parole. Avec un regard pour le mort, il commence à nous raconter sa présence aux soins palliatifs et la place qu’il avait dans la communauté. Il fait la synthèse de sa vie avec plus de distance que sa famille mais beaucoup de respect.
Nous effectuons un beau chemin à travers le bois des souvenirs. Les arbres cohabitent avec des tumulus, des plaques discrètes indiquent l’emplacement de chaque Homme devenu arbre. Je me sens comme pris d’une envie de déambuler, à la découverte des identités de chacun, de leur nouvelle forme.
une grande table remplie de victuailles annonce un repas. C’est le lancement du deuil mais aussi le retour à la vie. Rassemblés dans ce foyer, chacun échanges autour de sa mémoire. Nous rions, consolons le fils avec des anecdotes sur son père. Et nous mangeons. Et buvons. Nous repleurerons demain.
Un an plus tard, nous voilà de retour. Son fils m’a demandé de l’accompagner, avec le reste de la famille, pour récupérer le pot de terre. C’est les seconde funérailles. Il est l’heure de pique-niquer avec lui. On pleure un peu, on rit beaucoup et on regarde le soleil, aussi éclatant que l’était son linceul.
CONSTRUIRE LE RITUEL
Le rituel est composé de deux espaces: la cérémonie et le repas qui s’organisent autour du bois des souvenirs, forêt cinéraire qui accueille les arbres issus de l’inhumation écologique
LA CÉRÉMONIE
L’espace de cérémonie marque l’élan dans le deuil. Reprenant l’imaginaire de la maison, la charpente rythme le chemin selon sa cadence. Le toit, en un grand dégradé coloré, se déploie pour peu à peu faire entrer le paysage. Des tuiles de verres font danser la lumière et des flûtes à vent sur les pannes sablières chantent
LE REPAS
Le repas après les funérailles marque le retour à la vie. Encaissé, entre la grotte et la hutte, cet espace qui reprend les codes du foyer permet d’apercevoir cette nouvelle réalité qu’est la vie sans le défunt
“si notre vie commence bien avant notre naissance, elle se termine bien après notre mort. Notre souffle ne va pas s’épuiser dans notre cadavre: il va alimenter tous ceux qui trouveront en lui une cène à célébrer”